LES SEPT PECHES CAPITAUX DE GEORGE TATARASCO

VICE-PRESIDENT DU GOUVERNEMENT

COMMUNISTE

 

(d'après «la Roumanie Indépendante» 1947)

«...En   ce  qui  concerne  le  rôle  qu'assuma  spéciale­ment  le   «parti»   de   Tatarasco,  ce  fut  la destruction de l'économie   nationale   tendant   à   compromettre   le   capi­talisme et le système économique libéral.  Formé par les hommes les plus compromis des régimes défunts, les pires chevaliers   d'industrie  et  des   aventuriers   sans    scrupules, le «Parti national Libéral» de Tatarasco envahit le secteur économique.   Les  communistes   qui savaient parfaitement à qui ils avaient affaire, les laissèrent faire de leur mieux pour  bien   désorganiser ce  secteur.  Après,  les  éliminant et  en  prenant tant bien que mal des mesures plus logi­ques, bien que démagogiques, ils pouvaient faire mine de sauveurs.

Tatarasco confia le ministère de l'Economie nationa­le à Pierre Bejan, le plus compromis de tous.Te n'exagère pas en disant que Pierre Bejan est un escroc de classe internationale et que le passage d'Al Capone au Dépar­tement des Finances américain n'aurait pas eu de pires résultats que le passage de Bejan au ministère de l'Eco­nomie nationale. Les choses sont vérifiées et le procès qui viendra un jour, le montrera.

Le vol et le rapt devinrent des actes presque léga­lisés. Pierre Bejan nomma à toutes les industries des ad­ministrateurs «de surveillance» de ses amis, qui n'avaient d'autre rôle que d'être payés pour ne pas dénoncer les pré tendues irrégularités des industries respectives.

Comme Directeur général du Crédit Minier, l'une des plus grandes sociétés, il nomma un personnage qui res­tera célèbre, Anton Dumitriu. Obscur chef de travaux à l'Université de Bucarest, Anton Dumitriu, après l'avè­nement au pouvoir de Tatarasco, déclarait partout que son temps était venu et qu'il ne voulait pas voir passer sa vie bêtement, en travaillant comme un homme honnête . Il rassembla quelques jeunes gens sans scrupules et adhé­ra au parti de Tatarasco. Etonné lui-même par le succès que sa doctrine avait auprès des «masses», car jusqu'alors il avait attendu en vain l'adhésion populaire, Tatarasco leur fit un accueil magnifique et les nomma aussitôt dans les postes les mieux rétribués.

En deux années, ils réussirent à étonner l'Europe toute entière et quant à Anton Dumitriu, ses escroqueries furent si retentissantes, qu'il fut débarqué du Crédit Minier, malgré les hautes protections dont il jouissait. Il y a quel­ques jours, on a demandé la levée de l'immunité parlemen­taire d'Anton Dumitriu pour pouvoir procéder à son arres­tation.

Pour couronner son œuvre de trahison, venu à Paris comme représentant de la Roumanie à la Conférence de Paix, Tatarasco souscrivit au vol de la Bessarabie et de la Bucovine sans broncher. Et ainsi, deux des plus belles et des plus authentiquement roumaines provinces furent livrées à la Russie, sans que le représentant rou­main esquissât un seul geste de protestation.

Parvenu à la fin de sa carrière politique, qui mar­que avec ses victoires successives autant de défaites pour la Roumanie, Tataresco ne pourra bénéficier d'aucun côté, ni de pitié, ni de clémence.

Ni de la part des communistes qui n'ont plus besoin de lui et qui le rejettent après l'avoir utilisé.

Ni de la part du peuple roumain, car,

II a trahi la Roumanie;

II a vendu des provinces roumaines ;

Il a menti au peuple roumain;

II a négocié sa conscience et le prestige de sa person­ne;

II a sacrifié le pays à ses ambitions;

II a volé les richesses nationales;

II a trompé les espoirs qu'une partie du peuple, sur le point d'être submergé par les envahisseurs, avait folle­ment mis en lui.

Tataresco a trahi son pays et son roi. Que son sort serve d'exemple aux générations futures et de frein aux nouveaux amateurs de pouvoir octroyé par les commu­nistes».

 

AVEUX

DU TRAITRE GEORGE TATARESCO

George Tataresco, vice-président du Conseil des Mi­nistres, imposé par M. Vishinski le 6 mars 1945 à la direc­tion de l'Etat roumain, dont le territoire est occupé de­puis trois ans par les forces militaires de l'U.R.S.S., minis­tre des Affaires Étrangères et président d'un groupe de réactionnaires qui se revendiquent d'un prétendu «Parti National-Libéral»* a présenté au cabinet communiste de Bucarest un «mémorandum secret» sur la situation géné­rale du Pays et surtout, sur les nombreux méfaits des gou­vernements traîtres à leur Patrie. Ce document constitue un véritable réquisitoire contre la politique de terreur, de mensonge que le gouvernement illégal, Tataresco y com­pris, pratique en Roumanie depuis son instauration au pouvoir. Le simple fait que George: Tataresco a eu le courage de mettre sur papier tous les torts et toutes les barbaries dont se sont rendus coupables lui et ses collègues Pierre Groza, Gheorghiu-Dej, Teohari Georgesco et Patrascanu en tête, n'excuse en rien la responsabilité de Tataresco, ancien criminel de guerre et suppôt de tou­tes les dictatures qui ont pu naître en Roumanie depuis 1938.

Le geste de Tataresco, qui essaye de se désolidariser des communistes roumains par la pensée seulement, n'a eu aucune suite pratique, bien au contraire. Ce «mémo­randum secret», après qu'il ait été rendu public, n'a pas empêché Tataresco de voter à «l'unanimité» le program­me économique du parti communiste, le refus roumain de  participer  à  la Conférence    économique européenne, les  arrestations  des leaders de l'opposition, la dissolution du Parti National Paysan,etc.,etc...

Nous reproduisons ci-dessous un passage très ins­tructif sur la terreur déchaînée par les gouvernants com­munistes, auxquels Tataresco s'est associé volontairement ou non, avec tous les membres de son prétendu «parti», non sans rappeler qu'en vertu de la solidarité ministé­rielle et de l'appui inconditionnel que Tataresco a four­ni aux communistes, il sera tenu pour responsable de tous les crimes perpétrés depuis leur avènement au pou­voir:

«...D'autres causes viennent encore s'ajouter au mé­contentement général. Parmi les plus importantes on comp­te les excès du régime d'exception auquel le pays con­tinue d'être soumis. Et en premier lieu nous rappellerons les excès commis dans le domaine des arrestations pré­ventives. Ces arrestations sont évidemment dictées par les raisons majeures, mais la manière dont elles sont exé­cutées mène aux abus et soumet le pays à un régime d'in­quiétude et d'insécurité. Le pays vit dans une atmosphère qui entretient le mécontentement et la haine contre le gouvernement. Des hommes absolument innocents sont arrêtés pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la sécurité de l'Etat ou l'ordre public. Petit à petit une légende se répand, d'après laquelle notre gouvernement ne ferait qu'un régime qui se maintient au moyen de la force et de la terreur, un régime impopulaire et anti-dé­mocratique. Le gouvernement est accusé en même temps de réprimer par la violence les libres manifestations du peuple qu'il redouterait au plus haut degré. Pourtant, les résultats de cette campagne d'arrestations sont tout autres que ceux escomptés par le gouvernement. Jamais la méthode des arrestations massives n'a été un moyen éprouvé contre les agitations subversives. Elle favorise plutôt le recrutement des mécontents, des agitateurs, en tous cas crée au gouvernement une atmosphère difficile.

«Le président du Conseil avait promis, à la veille des élections, une amnistie générale des délits politiques. Mais au lieu de l'amnistie, la politique de répression fut renforcée.

«Dans le même ordre de préoccupations, se rangent les sentiments découlant du traitement infligé aux con­damnés politiques. Les familles des détenus, mises au courant du traitement qui leur est appliqué, exagèrent naturellement les rigueurs auxquelles ils sont soumis, créant ainsi au gouvernement une atmosphère impossi­ble. Le fond de générosité et d'aménité du peuple rou­main supporte difficilement les brutalités et les violen­ces, et la réaction naturelle se transforme en haine con­tre les auteurs responsables des méfaits susmentionnés...

«Les arrestations préventives, réquisitions et abus de toute sorte contribuent également à la création de ce climat défavorable à la reconstruction du pays. D'au­cun changent périodiquement de domicile. Les petits industriels et commerçants sont à la recherche d'un re­fuge. La panique est devenue endémique. Dans cette at­mosphère l'application d'un plan de consolidation éco­nomique est impossible à réaliser.»

signé: George  Tataresco Vice-Président du Conseil des Ministres, Ministre des Affaires Etrangères

Président du «Parti National Libéral».

(«La Roumanie indépendante» sept. 1947)

 

LE PROCES DE IULIU MANIU

MANIU symbolisa pour les Roumains humiliés, pour tout le pays, le dernier espoir d'indépendance, la résistance paysanne à l'absorptions soviétique.

La mise en scène fut bien dirigée.

Dans le procès aucun des inculpés n'était battu ou drogué.

Bien sûr il y a eu des menaces, des promesses ou des chantages. Pour les gens faibles, donc pour ceux qui man­quaient de courage, on employait le mensonge et le bon traitement. Le mensonge fut la promesse d'être libéré après le procès, d'être condamné pour une peine mineure, d'ê­tre réhabilité et de retrouver la famille qui ne sera pas persécutée. Le bon traitement s'appliquait usuellement aux détenus qui avaient l'obsession de la faim, un certain vice, qui les poussaient faire n'importe quoi pour se «sau­vegarder». Beaucoup de détenus sont tombés dans le piè­ge de cette fourberie.

Pendant le procès, la jeunesse diffusa des tracts pour la défense de ceux qui se trouvaient dans la boxe d'accu­sation parce qu'ils représentaient la volonté nationale étranglée.

Nous n'allons pas contester l'horreur du régime com­muniste, mais ce procès a bénéficié d'une publicité inter­nationale et la présence de journalistes étrangers permet­tait à chacun de rétracter devant le jury toute déclaration obtenue par la force, d'autant plus que les seules pressions qui   ont  été   faites sur les détenus furent d'ordre moral.

Le secrétaire de la section féminine du PNP, Mme Lelia Mihailesco, nous raconte:

«Pendant le procès des dirigeants du Parti Natio­nal Paysan, j'étais arrêtée. Comme je faisais partie des dirigeants, je peux tester qu'aucun de nous n'a été moles­té comme les autres membres (P.N.P.) et on nous servait un menu spécial. Parmi les dirigeants du Parti, qui tous étaient arrêtés au Ministère de l'Intérieur, aucun n'a ac­cepté d'accuser Iuliu Maniu: Mihai Popovici, vice-prési­dent du Parti, Ghitza Popp, ancien secrétaire général, Virgil Solomon, ancien ministre, Aurel Leucutia, ancien minis­tre,   Aurel Dobresco, ancien ministre, et d'autres encore.»

Dumitru Ionesco, candidat sur la liste électorale, secrétaire de Nicolae Penesco, nous précise:...«j'ai été en­quêté en même temps et pour le même procès et je n'ai pas été drogué.»

Même Nicolae Penesco, l'un des principaux inculpés du procès, écrit: «Je fixai de la manière la plus simple l'at­titude que je devais adopter tant au cours de l'enquête que pendant le procès. C'était de reconnaître tout ce qui était véritable et de prendre là responsabilité de la poli­tique du parti, dont j'avais été l'exécuteur, sans offrir par mon témoignage des éléments juridiques constitutifs d'infraction, aux dépends des autres.»

Mais pendant le procès il y a eu des surprises. Voilà quelques déclarations faites par Vasile Serdici devant le tribunal:

«Vers la fin de septembre ou bien au commence­ment d'octobre 1946, j'ai fixé pour Maniu une audience chez Berry, dès le retour d'Amérique de ce dernier... Ma­niu a suggéré à M. Berry que si lui pouvait protéger à l'é­tranger un gouvernement roumain de la résistance, ce serait là une excellente chose. Lui (Maniu) est d'avis qu'un succès relatif aux élections ne serait d'aucun profit et pour cette raison il pense que dans les circonstances à venir l'existence d'un gouvernement de résistance à l'étran­ger serait autrement utile... Puis, le problème fut d'instal­ler un gouvernement de résistance. M. Maniu a déclaré à  peu  près qu'il aurait pu constituer, il y a longtemps, un gouvernement de résistance et qu'il demandait main­tenant à M. Berry quel serait l'appui qu'il pouvait avoir s'il constituait ce gouvernement à ce moment-là...»

Interrogé par le président à propos du renversement par la violence du régime, Vasile Serdici a répondu que «M. Maniu a déclaré qu'il pourrait utiliser la violence, car il doit à tout prix empêcher la diminution des for­ces du parti. Il demandait à M. le Ministre son opinion sur l'emploi de la violence. La question était vraiment très sérieuse, le ministre n'a pas répondu sur le champ...»

Vasile Serdici a souligné: «M. Maniu dans les entre­vues qu'il a eues avec M. le Ministre Holman, demandait une intervention rapide. Il demandait cette intervention ra­pide parce qu'autrement ils risquaient de perdre la Rouma­nie, comme ils ont perdu la Pologne, la Bulgarie, etc. Il de­mandait avec insistance à cette occasion à M. Holman un se­cours massif comme ils ont accordé à la Grèce...»

Sur le message Stevenson, le même Vasile Serdici pré­cisa: «Une nuit, que j'étais avec le général Stevenson dans sa voiture, il m'a dit: «dites à M. Maniu qu'il continue son che­min.» Ce fut là toute la conversation, cinq mots».

Sur le dossier destiné à être envoyé à l'O.N.U., le même Serdici déclara: «Ce dossier était très volumineux, il était trop gros d'au moins vingt centimètres... quelques semaines après, M. Berry m'a dit que l'occasion s'était pré­sentée et le dossier a été transmis.»

Sur l'orientation politique après 23 août 1944, Serdici déclara:

«Le parti avait abandonné depuis longtemps sa ligne... Toutes ces choses je les ai déclarées bien clairement au Parle­ment, bien des fois. Le parti se dirigea évidemment vers la droite. Le commencement fut fait par lettre de Maniu, par laquelle il recevait les légionnaires dans le parti... Maintenant je comprend que Maniu pensait que le temps viendra où il pourra utiliser ces légionnaires... leur admission dans le parti fit que le parti ait glissé vers la droite. Maniu s'est entouré d'une série d'hommes étrangers au parti.»

La presse française mettait encore une fois en évi­dence le fait que Iuliu Maniu niait les accusations portées contre lui par Vasile Serdici.

Le Monde du 1 novembre 1947, page 2: «M. Maniu a nié formellement avoir jamais envisagé, dans les conversa­tions qu'il a eues avec le diplomate américain, la formation d'un gouvernement roumain en exil... M. Maniu s'est égale­ment défendu d'avoir donné ordre à M. Serdici, chef des ser­vices de presse du parti paysan, et qui figure lui aussi parmi les accusés, de traduire des informations destinées aux mis­sions étrangères. L'accusé nie avoir créé une organisation militaire quelconque ou sollicité l'intervention armée de l'étranger. L'interrogatoire de M. Maniu n'a été qu'une série de dénégations: il a nié avoir reçu des lettres de l'étranger, avoir organisé un mouvement de résistance nationale, il a nié enfin avoir formé les Gardes de Maniu».

Pour illustrer ces choses, voilà un extrait de dernier mots de Vasile Serdici, au procès:

«Les autorités auxquelles incombait la sûreté de l'E­tat se trouvèrent tout à coup devant une situation d'une gra­vité exceptionnelle. Il s'agissait du fait que M. Maniu, par l'entremise de Grigore Niculesco-Buzesti, avait pris contact avec les agents américains et qu'ils avaient élaboré ensemble le Mémorandum qui constituait la clef de voûte de ce procès et qui —même s'il n'avait été que partiellement mis en appli­cation— aurait, à coup sûr, créé une situation des plus dif­ficiles à notre pays . M. Maniu a agi secrètement, oubliant complètement qu'il était le chef d'un parti, oubliant qu'avec l'aide de Niculesco-Buzesti il préparait un effroyable mou­vement souterrain sans précédent dans l'histoire de notre pays. Même après mon arrestation, je n'ai pu y croire. Mais lorsque j'ai vu de mes propres yeux les documents, le Mémorandum et la Minute, je me suis tout de suite désoli­darisé de M. Maniu.

Je m'étais finalement désolidarisé de manière défi­nitive comme je viens de le faire ici même, car il n'était point admissible que M. Maniu menât, en vertu du mandat reçu de nous et même contrairement à celui-ci, une action en marge et dans le dos du parti, bref, une action conspirative, se rendant coupable de la sorte, vis-à-vis du pays et du parti. C'est pourquoi j'ai le droit de me considérer comme une victime de M. Maniu. C'est à cause de cela qu'aujour­d'hui je figure parmi les 18 accusés. L'on pourrait dire que je  me   suis   fourvoyé  —car  M.   Maniu ne reconnaît ni le «Mémorandum»   ni  la   «Minute».   Que  Dieu  me  pardon­ne, et je dois l'avouer, mon expérience me donne le droit de douter: une fois, ayant rendu visite à M.   Holman, au­quel  M.  Maniu  avait demandé d'intervenir en faveur du départ de M.  Mihalache, j'ai eu, quelques trois semaines après, l'occasion de reparler à M. Maniu de son interven­tion. M. Maniu me regarda dans les yeux et sans broncher me  répondit  froidement: «Vous vous trompez, jamais je n'ai fait pareille intervention».

J'en suis resté pantois comme si je l'entendais pour la première fois. Je n'en dirai pas davantage, aussi me voyez vous   très  sceptique  lorsqu'il  s'agit  de  ses  déclarations.»

 

***

 

Ces faits furent confirmés aussi par le journaliste américain Rubens H. Markham dans son . livre en anglais «Rumania under the soviet yoke » (page 403 ) qui parle de Vasile Serdici dans des termes très critiques:

«Outre cela, un ami de Maniu, M. Vasile Serdici, homme assez aisé, personnellement désorganisé, et gros buveur, témoigna contre son chef. Cet homme, qui avait longtemps servi le Parti National Paysan, devint comme de la cire entre les mains des communistes. Ce n'était pas exactement un renégat. Il avait même été incontestablement courageux et avait pris des risques. Mais il était faible de caractère. Et il céda quand il fut serré dans la puissante tenaille de l'Union Soviétique. Il dénonça avec aigreur Maniu devant le Tribunal,  accusa en vociférant le leader du Parti Paysan de l'avoir abusé, lui, Serdici, et jura solennellement que Maniu, par son intermédiaire, avait deman­dé à la Mission Américaine si le Gouvernement des Etats-Unis conseillait l'action clandestine anti-Groza, ce à quoi la Mission aurait répondu, après avoir consulté Washing­ton: ,,pas encore": En fait le complot, ce fut là tout ce qui put être trouvé de plus rapprochant, même par un alcoolique, contre Maniu — et M. Truman.»

Le fait que les accusés n'ont pas été drogués peut aussi être souligné par l'attitude digne d'un accusé, remar­quée par ,,Le Figaro"du 31 octobre 1947, page 3: "Deu­xième journée du procès Maniu: M. Radulesco — Pogoneanu a reconnu le bien fondé des accusations portées contre lui, mais tous les efforts du ministère public pour lui faire avouer que Maniu était le principal organisateur du groupe sont restés vains."

Un autre accusé important dans le procès Maniu, Nicolae Penescu, sous des menaces pesant sur sa femme, a été amené à faire certaines concessions, critiquant Iuliu Maniu, mais sans se désolidariser à aucun moment de   l'action   du  Parti   National  Paysan .   Ainsi  il  déclara:

"Ce qu'il y a de caractéristique chez lui (Iuliu Maniu), c'est qu'il est un dictateur souriant et ganté . Il ne donne pas de coups de poing contre la table, il ne vocifère point, il sait imposer sa volonté par des méthodes mielleuses . . . Après le 6 mars 1945, on a posé dans la délégation perma­nente le problème de l'attitude du parti. Le point de vue de M. Maniu, celui d'une opposition vigoureuse, a prévalu, de sorte que moi, je ne peux pas me dégager ni person­nellement, en ma qualité de membre de la délégation permanente et du parti, ni dégager la délégation permanen­te de cette responsabilité politique, assumée par tout le par­ti, lorsqu'il a admis, approuvé et mis en application, la politique imprimée par M . Maniu".

Arrivé en Occident, il n'a jamais nié les déclarations faites au procès. Entre autre, dans son livre "La Roumanie de la démocratie au totalitarisme», quand il présente le procès de Maniu, il utilise même des citations du compte rendu sténographié du procès, document qui n'a été con­testé par aucun des nombreux journalistes étrangers ayant assisté au procès.

Un autre outil des communistes fut un certain Dumitru   Steantza  qui   déclara  des   mensonges   grossières:

«Maniu m'a demandé combien d'hommes les Ca­goules Noires pourraient-elles grouper?... Je lui ai demandé des armes, de l'argent, des vêtements et je lui dis que les Cagoules Noires sont une organisation antimagyare, anti-gouvernementale et antisoviétique. Nous devions nous rencontrer encore, mais nous ne nous sommes pas ren­contrés, car je fus arrêté» Iuliu Maniu a protesté: «Ce jeu­ne homme, je le vois pour la première fois. Je ne l'ai pas vu, pas connu».

 

L'ancien président du Conseil des Ministres, Nicolas Radesco, révéla que Gheorghiu Dej, secrétaire général du parti communiste, avait donné à son parti et aux petits groupes qui lui étaient associés, l'instruction:

«ELIMINER DE LA VIE PUBLIQUE IULIU MANIU, PRESIDENT DU PARTI NATIONAL-PAYSAN».

Le 12 novembre 1947, François Mauriac, membre de l'Académie Française, écrit:

«IULIU MANIU ETAIT DEJA CONDAMNE ET LA SENTENCE N'ETONNERA PAS L'OPINION UNIVER­SELLE. PEU DE PROTESTATIONS S'ELEVERONT: A QUOI SERVIRAIENT-ELLES? LA COMEDIE EST BIEN FINIE ET LES COMMUNISTES, DANS LE MONDE ENTIER, SAVENT BIEN QUE MAINTENANT ILS DOI­VENT AVOIR LE COURAGE DE NOUS MONTRER LEUR VERITABLE FIGURE QUI, PAS PLUS QUE LA MORT, NE PEUT SE REGARDER EN FACE; CAR ELLE EST LA MORT DE NOUS-MEMES. NOTRE MORT A CHACUN   DE   NOUS,   EUROPEENS,   OCCIDENTAUX, QUI REFUSONS D'ETRE BOLCHEVISES ET SOMMES DONC CAPABLES DU MEME CRIME QUE PETKOV ET QUE MANIU: LE CRIME D' OPPOSITION A LA POLITIQUE DE MOSCOU"

Le même jour, aussi dans « Le Figaro» un communi­qué annonça:

,JULIU MANIU est condamné à la prison perpétu­elle. La condamnation portée contre M. Maniu est la plus lourde qui pouvait le frapper, étant donné que la peine de mort a été abolie en Roumanie. Ce verdict ne contri­buera pas à rapprocher les démocraties occidentales des régimes soumis à l'influence moscovite. Il avertit cepen­dant ces démocraties du sort que leur serait réservé si elles  laissaient la même influence s'installer   chez elles".

 

***

 

 Le 14 novembre, Charles Bohlen a annncé à Was­hington que le gouvernement américain avait remis une note au gouvernement de la Roumanie pour protester énergiquement contre le procès Maniu, ainsi que contre les accusations du gouvernement roumain selon lesquelles des diplomates américains auraient pris part à une «pré­tendue conspiration pour renverser le gouvernement rou­main par la force et la violence".

***

Le 17 novembre 1947, «Le Figaro» présenta la situa­tion dramatique:

,,L'URSS a réduit les états de l'Europe danubienne et orientale au rôle de satellites. Elle a obligé ces pays à aligner leur politique sur celle de Moscou, et puis a pro­cédé à une absorption de ces mêmes pays dans leur sys­tème politique, économique et social. Cette région se trouve tout de suite complètement bouleversée.

Cette transformation s'est accomplie derrière le paravent des garanties internationales et à l'aide de métho­des dont l'hypocrisie n'est pas le trait le moins remarquable. CE QUI S'EST PASSE A BUCAREST S'EST PASSE A VARSOVIE, A SOFIA, A BUDAPEST, A BELGRADE ET L'EXEMPLE ROUMAIN VAUT POUR TOUS LES PAYS DE L'EUROPE."

 

***

 

LA LEGALITE FUT REMPLACEE PAR LA TER­REUR ET L'ANARCHIE.

Tout cela ce passait sous les yeux des Grandes Puis­sances qui, ayant gagné la deuxième guerre , avaient perdu la paix et voulaient instaurer un nouvel ordre pour l'huma­nité.

L'ARRESTATION ET LA LIQUIDATION DE TOUS CEUX QUI ONT REFUSE DE SE SOUMETTRE AUX TYRANS MIS EN PLACE ET DIRIGES PAR MOSCOU.

Le peuple roumain a résisté et à cause de cela il a été exterminé.

Plus d'un million d'être humains ont rempli les camps de la mort lente et plus de 200.000 sont morts rien que dans la période des travaux forcés et insensés du Canal Danube-Mer Noire.

LA MONARCHIE - LE COMMENCEMENT DE LA FIN

«Votre Majesté, vous avez investi Petru Groza du mandat de former le gouvernement, par cet acte vous avez livré le pays aux mains des communistes», déclarait Iuliu Maniu le 6 mars 1945. Le soir même le décret était signé; à 21 heures le ministre Vischinski et le maréchal Malinovski félicitaient le roi.

Au 11 juin 1946 Iuliu Maniu adressa un mémoran­dum à sa Majesté le roi Michel I, par lequel il demandait au souverain de ne pas sanctionner le projet de loi électorale publié le 31 mai 1946, conçu, selon lui, en vue de falsi­fier la volonté du peuple. Le gouvernement Groza est reconnu le 5 février de la même année par l'Angleterre et les Etats Unis, à condition qu'il respecte les engage­ments qui suivent:

1.  Tous les partis politiques représentés dans le gouvernement roumain auront le droit de participer aux élections et de présenter leur candidat.

2.   Le  contrôle de la procédure électorale et le dépouillement du scrutin auront lieu en présence des représentants de tous les partis constituant le gouvernement.

3.   Tous les partis politiques du gouvernement auront également le droit d'imprimer, de publier et de diffuser leurs   propres  journaux,   ainsi que leurs  ouvrages  politiques.

4.   Tous les partis politiques, pourront exposer leur programme politique à la radio.

5.      Ils pourront organiser des réunions ou des rassemblements.

6. Le Conseil des Ministres devra consulter les représentants   des  partis  politiques   en  vue d'une  entente garantissant la liberté de la presse et de la parole; il devra régler avec eux les problèmes concernant la rédaction de la loi électorale et le déroulement des élections.

Bien que ces engagements n'aient pas été respectés, que sur toute l'étendue du pays des agressions et des assas­sinats aient eu lieu contre les partis représentant la volon­té du peuple, Sa Majesté le roi Michel sanctionna la loi élec­torale telle qu'elle était présentée par le gouvernement imposé par les Russes.

Cette promulgation de la loi électorale eut pour résultat la falsification des élections du 19 novembre 1946. A la suite des élections, le 29 novembre, les communistes nommeront Gheorghiu—Dej au Ministère de l'Economie Nationale, en remplacement d'un ministre de Tatarescu. Il fallait écarter du nouveau régime les dissidents libéraux collaborateurs, jugés par certains trop attachés à la monar­chie. Pour les communistes cette nomination signifiait la mainmise sur tous les postes clefs et l'épuration des der­niers représentants de la bourgeoisie.

Dans l'après midi du 30 novembre 1946, Iuliu Maniu se rend au Palais pour demander à Sa Majesté le roi Michel de ne pas signer le message et de ne pas procéder à l'ouver­ture du Parlement. Cette attitude aurait signifié une non reconnaissance des élections falsifiées.

Le roi s'y refuse. A partir de ce moment le compte à rebours commence pour la monarchie.

Vient alors la nationalisation de la Banque Nationale en décembre 1946; la promulgation d'une loi concernant la production, la répartition et la distribution des produits et des matières premières. On institua des offices industri­els en vue de contrôler la production et la circulation des marchandises. Par un nouveau régime des quotas de pro­duction de céréales et des charges fiscales on déclanche la lutte contre les paysans riches dans les villages. Par une loi réglementant les prix, les tarifs, les salaires et les bé­néfices et par la réforme de la monnaie du 15 août 1947 on limite les droits de la propriété capitaliste. Parallèlement, les fonctionnaires de Tataresco occupant des postes impor­tants dans l'appareil d'Etat sont remplacés, Les conseillers soviétiques du Ministère de l'Intérieur cherchent fébrile­ment le moyen de liquider l'opposition.

Le roi était de plus en plus isolé. Il a beau refuser de signer le décret demandant la démission de Tataresco au mois de septembre 1947, celui-ci est quand même dé­mis de ses fonctions au mois de novembre par l'Assem­blée Nationale communiste.

Les postes des quatre ministres et des deux sous-secré­taires d'Etat de Tataresco sont attribués aux communis­tes (au Ministère des Affaires Étrangères on a nommé Ana Pauker, citoyenne soviétique) par un décret signé par le roi.

Ainsi les communistes parviennent à leur fin, isoler la monarchie. Après avoir signé un décret par lequel le gouvernement était chargé d'effectuer tous les travaux administratifs de nommer et révoquer les fonctionnaires, Sa Majesté le roi Michel I part pour l'Angleterre le 12 novembre 1947, où il assiste aux noces de la princesse Elisabeth, héritière du trône.

Au moment où Michel I quitte le pays, au tribu­nal militaire retentissait la sentence suivante:

«Michel I»

Par la grâce de Dieu et la volonté nationale Roi de Roumanie

A tous ici présents... sauf Iuliu Maniu condamné à 154 années de travaux forcés pour s'être opposé à la po­litique dictatoriale dictée par Moscou et pour avoir mi­lité en vue d'un gouvernement démocratique élu par le peuple, respectant    les libertés et les droits du    citoyen.

Voilà la sentence de IULIU MANIU :

 

TRIBUNAL MILITAIRE DE LA Il-me REGION

MILITAIRE

BUCAREST

Dossier Nr. 5262/1947

 

SENTENCE (Minute) Nr. 1988

MIHAI I-er Par la grâce de Dieu et la volonté nationale

ROI de ROUMANIE A tous présents et à leur avenir salut.

Aujourd'hui, le 11 novembre 1947 (l'an mil neuf cent quarante sept, mois de novembre, le onze).

Le Tribunal Militaire de la II-ème Région Militaire, Bucarest, I-ère Section, composé conformément à l'ar­ticle 9, 10 et 14 du Code de Justice Militaire et à l'article 624 du C.J.M. de Messieurs:

Le Colonel Magistrat Dr. PETRESCO Alexandre, Premier-Président

Le Colonel Magistrat VASILESCO Mïhail, Juge

Le    Colonel    Magistrat    EREMIA    Alexandru,   Juge

Le Colonel Magistrat GEORGESCO Alexandre, Pre­mier Procureur Militaire

Le Colonel ALEXANDRESCO Victor, Procureur Militaire

Le Colonel STANCO Constantin, Procureur Mili­taire

Greffier de séance étant M. Tudor PETRESCO-JOI-TZEANU, Premier Greffier:

Délibérant   en   secret...    LE       TRIBUNAL,   Décide:

A L'UNANIMITE DES VOIX, par application de l'art. 227 al. 1,2 et 3 C.P. combiné avec l'art. 184 al. 1, avec l'art. 186 et l'art. 211 C.P. condamne IULIU MANIU à 10 ans de réclusion et 5 ans de dégradation civique pour crime de complot;

Par application de l'article 227 C.P. comb. avec l'art. 207 et 210 C.P. le condamne à 10 ans de détention ri­goureuse et  5  ans de dégradation civique pour complot.

Par application de l'art. 174 C.P. le condamne aux travaux forcés à perpétuité pour crime de haute trahison transformés en réclusion à perpétuité, conf. à l'art. 31 C.P., le condamné étant âgé de 75 ans;

Par application de l'art. 186 C.P. al 2, le condamne à 25 ans de travaux forcés et 10 ans de dégradation civi­que pour le crime de haute trahison, transformés en 25 ans de réclusion;

Par l'application de l'art. 210 C.P. ail, le condamne à 10 ans de détention rigoureuse et 5 ans de dégradation civique pour crime de rébellion;

Par application de l'art. 211 C.P., le condamne à 25 ans de travaux forcés transformés en 25 ans de réclu­sion conf. à l'art. 31 C.P. et 10 ans dégradation civique pour insurrection armée;

Par application de l'art. 120 C.P. comb. avec l'art. 190 pt. 1 C.P., le condamne aux travaux forcés à per­pétuité qui, conf. à l'art. 31 C.P., se transforment en ré­clusion (à perpétuité) pour instigation à la haute trahi­son par infidélité;

Par application de l'art. 207 comb. avec l'art. 96 et 97 pt. 1 C.P., le condamne à 12 ans de détention simple pour tentative de renversement de l'ordre constitutionnel;

Par l'application de l'art. 120 comb. avec l'art. 579 C.J.M., le condamne à 12 ans de prison correctionnelle pour  instigation   au  passage frauduleux  de  la frontière;

Conformément à l'art. 101 et 103 C.P., le condamné IULIU MANIU exécutera la peine la plus lourde, c-à-d. celle des travaux forcés à perpétuité, transformés en ré­clusion   à  perpétuité   et   10   ans  de  dégradation  civique;

Conformément à l'art. 193 C.P., le condamne aussi à la confiscation de ses biens;

Conformément à l'art. 326 C.J.M., l'oblige à payer la somme de cinquante mille lei de frais de justice...

Prononcée en audience publique le 11 (onze) novem­bre 1947 à 20 (vingt) heures à Bucarest.

Membres de la Cour,

 

Le Premier-Président

ss. Alexandru PETRESCO                                                                              ss. VASILESCO Mihai

ss. IRIMIA Alexandru

Premier Greffier ss. Tudor PETRESCO-Joitzeanu

 

* * *

S'adressant à la Nation Roumaine, IULIU MANIU déclare entre autres:

«Nous accusons le gouvernement de faire régner la terreur, la dictature et la réaction, de fouler aux pieds les lois de la Nation, la liberté du peuple roumain, ses droits individuels et collectifs... Les prisons, la torture, les persé­cutions, les mises en scènes les plus infâmes, les arres­tations, les assassinats, tout l'arsenal infernal inventé par le fascisme et par Hitler a été perfectionné, développé et appliqué avec la cruauté jamais égalée... Nous l'accu­sons d'avoir terrorisé par ses bandes, la population qui s'opposait à la dictature.

Nous l'accusons d'avoir provoqué par sa politique néfaste non seulement l'humiliation des citoyens mais aus­si le chaos économique et l'appauvrissement des masses populaires.

Nous nous inclinons devant ceux qui sont tombés héroïquement pour défendre les droits sacrés de la Nation. »

PAR CETTE SENTENCE FUT CONDAMNEE LA NATION ROUMAINE.

Je ne peux m'empêcher de penser à la journée du 10 novembre 1918, lorsque Iuliu Maniu, Président du Con­seil National Roumain, adressait au gouvernement de Bu­dapest un ultimatum devant expirer le 12 novembre à 6 heures, par lequel il demandait pour les roumains le droit de gouverner la Transylvanie, lieu d'origine du peuple rou­main, après mille ans de domination hongroise.

Le 1er décembre 1918 Iuliu Maniu s'adressait aux Roumains en ces termes:

«L'histoire  nous   a  appris  que  nous  n'avons rien à espérer des empereurs étrangers ni des autres nations et que ous devons compter uniquement sur nos forces. La seule force valable sera l'union de tous les roumains».

Ni Budapest,  ni Vienne n'osèrent  alors punir Iuliu Maniu.

C'est de ses soi-disant frères, sur le territoire national, qu'il était donné à ce grand homme politique, combattant acharné pour les droits et les libertés du peuple, de rece­voir ce châtiment...

* * *

La garde du roi Michel n'est pas présente à Baneasa le 21 décembre 1947 pour l'accueillir à son retour d'An­gleterre.

Échec au roi!

Emil Bodnaras, le sous-lieutenant déserteur, agent des Soviétiques à qui Sa Majesté le Roi livra la personne du Maréchal Antonesco dans la nuit du 23 août 1944, se présenta le 23 décembre 1947 pour prêter serment en qualité de Ministre de la Défense. Il refusa de le faire, disant que cela n'avait pas de sens... Il avait prêté serment une première fois... avant de déserter.

En trois jours, à tous les postes clés de l'armée on nomma des hommes dévoués aux communistes, dont la plupart étaient venus avec les divisions «Tudor Vladimiresco» et «Horia, Closca et Crisan», formées en Russie.

Le roi joue sa dernière carte. Petru Groza l'a appelé par téléphone le 30 décembre 1947, à Sinàia, pour qu'il signe devant lui l'acte d'abdication:

(Michel I

Par la grâce de Dieu et la volonté nationale roi de Rou­manie, à tous ceux ici présents...

J'abdique et    renonce pour moi et mes descendants à toutes les prérogatives en tant que roi de Roumanie...

s.s. Michel I»

***

Le Palais de la chaussée Kisseleff était cerné par l'armée de Bodnaras. La Nation Roumaine, qui avait accla­mé le roi, qui l'aimait et qui était tombée sous les feux des mitraillettes en criant: «Vive le roi et la liberté», était en exil dans son propre pays. Sa volonté ne lui appartenait plus. Le droit d'en disposer était cédé aux Russes et aux traîtres de la nation. Les fils de cette nation étaient tom­bés pour défendre la patrie et maintenant toute liberté leur était enlevée.

Le roi était mat.

Dans la nuit du 3 janvier 1948 un train spécial par­tait de la gare de Sinàia vers... la Suisse.

La politique communiste suivait son chemin. Le com­munisme et la monarchie ne pouvaient faire bon ménage. Tataresco s'était vanté de sauver la monarchie après avoir servi la dictature carliste; on se débarrassait maintenant de lui comme d'une dent cariée. On s'était servi de lui comme de beaucoup d'autres...

Les motifs pour l'écarter n'étaient pas difficiles à trou­ver. Sa prétendue haute trahison fut en rapport au pro­cès d'octobre avec les anglo-américains, «les confrères impérialistes, un monde pourri». La toile d'araignée unis­sant Piki Pogoneanu, Camil Demetresco, Lazaresco avec les «transfuges» Cretzeanu, Gafenco, Visoianu, était risible mais le but était atteint.

 

***

            Ana Pauker était nommée Ministre des Affaires Etrangères en automne, en 1947. L'émancipation de la femme communiste commençait à révéler «ses trésors»: Liuba Chi-sinevski, Elena de Petresti, Florica Bagdasar, Elena Livezeanu, d'autres encore.

La république montrait ses dents.

***

Le mois de janvier fut décevant pour ceux qui voient s'évanouir tant de promesses et de garanties. La voiture partie avec le groupe de Ghitza Pop vers une soi-disant liberté ramenait les généraux défaits comme à Waterloo. Après s'être remis de leur déconfiture ils se mirent à ra­conter comment le colonel magistrat Petresco avait osé condamner des généraux qui avaient déclaré tout ce qu'on leur avait dit de déclarer. Ce n'est qu'à ce moment que les 100 personnes qui s'attendaient à être libérées se rendirent compte qu'on s'était servi d'elles. Amère découverte. Us avaient reçu une peine de maximum 7 années de prison suivant la hiérarchie. Parmi eux certains devinrent adversai­res déclarés des communistes. Ils purent à nouveau mesurer le peu d'importance accordé à l'homme dans ce système. L'homme n'était qu'un instrument. On s'attaquait à la destruction de sa personnalité, de sa dignité, ensuite aux institutions de base, à l'éducation de la nation: la Famille, l'Ecole, l'Eglise. On imitait en tout point le régime d'exploi­tation de l'homme d'après le modèle russe et les plus serviles se rangeront aux côtés d'Ana Pauker, Vasile Luca, Iosif Chischinevski, du général Nicolski, du Dulgheru, Gheor-ghiu-Dej, Teohari Georgesco, Bodnarenko, Parvulesco, du général Pintilie, de tous les traîtres.

Le 30 décembre 1947, le roi Michel fut obligé d'ab­diquer. Ensuite les communistes se débarrassèrent aussi de Gh. Tataresco qui les avait aidés à former le gouvernement, le 6 mars 1945. On va passer à la suppression du pseudo parti social-démocrate en l'assimilant au PCR, le 21 fé­vrier 1948, avec changement d'initiales: au lieu de PCR ce sera PMR (le parti ouvrier roumain). Les épurations des membres du parti et spécialement des légionnaires qui suivirent l'accord de collaboration avec Nicolae Pa-trasco vont commencer. A la suite de cet accord, Ana Pauker dira le 25 novembre 1946 devant les ouvriers de l'entreprise «Gaz et Electricité»: «Lorsque nous pronon­çons le mot légionnaire ou le mot fasciste, nous ne l'en­tendons pas de la même oreille que certains messieurs de l'actuel et de l'ancien gouvernement. L'ouvrier, le fonc­tionnaire, le paysan qui dans leur désir de vivre mieux ont suivi ceux qui leur ont raconté des mensonges, ne nous intéressent pas, ni ceux qu'on a trompés par manque d'in­formations (vifs applaudissements). L'ouvrier, le fonc­tionnaire, le paysan qui, cherchant le bien, ont fait faus­se route, sont, eux, nos frères à tous: Nous partirons au combat avec eux pour supprimer les fascistes menson­gers et malhonnêtes qui nous ont fait tant de mal». (Scân-teia nr. 69/1946). Entre temps, les communistes conso­lidèrent leurs positions et après avoir ouvert largement les portes aux légionnaires, commencèrent par les expul­ser du parti et les jeter en prison. Certains d'entre eux réussirent à se maintenir pendant 3 ans, les servant sans murmurer, après quoi ils seront exclus. Voilà ce que di­sait d'eux Gheorghiu Dej en 1948: «Des personnes étran­gères à la classe ouvrière qui ont milité dans le mouve­ment légionnaire, se sont infiltrées parmi nous. Ces gens dont la morale prolétarienne est différente de la nôtre n'ont rien à chercher dans notre parti». (Gh. Gheorghiu Dej,  rapport     du C.C. au  Congrès du 21   février  1948).